La traversée Continent – Corse par Florent Dode

Salut la compagnie !

Tout d’abord je souhaite tous vous remercier pour votre soutien. Cette aventure n’aurait pas eu lieu sans vous et je vous en suis reconnaissant ! Une épreuve qui me tenait à coeur et dont je vais me rappeler longtemps. Je ne sais pas si j’aurai d’autres idées aussi bêtes à l’avenir car celle-ci m’a vacciné pour un bon moment.
Vous trouverez ci dessous le récit de ma traversée Continent – Corse, soyez indulgent pour mon écriture, ce n’est pas mon fort !

La genèse de la traversée Continent – Corse en stand-up paddle

Initialement nous avions prévu une équipe constituée de Philippe, Thierry, Stephane et moi même. Pour des raisons de changement météo, nous avons dû avancer notre départ de 2 jours afin de mettre toutes les chances de notre côté pour une traversée optimale (des conditions flat et peu ventée). Philippe et Thierry n’ont pas pu changer leur agenda malheureusement.

Jeudi soir 23h , je me trouve donc seul avec Stéphane le capitaine du bateau et à deux jours du départ autant dire qu’il va être compliqué de nous organiser. J’appelle à tout hasard l’un de mes meilleurs amis d’enfance Juju, compagnon d’aventure. 23h30 dans un demi sommeil, il décroche en se demandant bien ce qui se passe. Lui expliquant ma situation et après concertation avec sa moitié Fédé, sa réponse est sans hésitation : il m’accompagnera dans cette traversée !

Le départ pour la traversée

Samedi 14 mai – 14h30

Nous voilà au port de la Ciotat. L’équipe remaniée est prête pour découvrir ce nouveau challenge personnel. Les présentations sont faites, tout le matériel est chargé à bord du petit voilier de 8 mètres, ainsi que mes 2 boards 3 Bay. J’ai mon proto Arrow Head flat 14′ par 22″ utilisé pour la Dordogne Intégrale et ma Irus 14′ par 23″ pour les plans d’eau agités.

Direction Porquerolles, environ 8h de bateau, où nous passerons la nuit.

Stéphane fait le choix de remonter vers Porquerolles à la voile pour ne pas utiliser le moteur et ainsi ne pas brûler trop de gasoil. Le vent faiblard d’Est ne nous permet pas d’avancer au près à la vitesse escomptée pour être à Porquerolles avant la tombée de la nuit. Je ne dis trop rien, on se regarde avec Juju un peu innocents l’un comme l’autre, pour ne pas remettre en question le choix du capitaine.
On profite d’être là, on admire le paysage, ce n’est quand même pas tous les jours qu’on peut se faire une petite virée en voilier et on a même la chance durant le petit repas du soir (confit de canard, pâté) face au coucher de soleil, d’avoir la visite d’un petit groupe de dauphins qui vient jouer avec le bateau !
Après 13h de navigation et un vomi à mon compteur pour faire La Ciotat/ Porquerolles, nous voilà enfin arrivés pour mouiller le bateau à 3h du matin.

Dimanche 15 mai, 8h

Je me réveille en premier, la nuit a été courte et mouvementée, les conditions au matin ne sont pas terribles avec un vent d’Est encore bien présent et que l’on sent même même si le voilier est mouillé à l’abri de Porquerolles.

Comme d’habitude pour ce genre d’épreuve, mon petit déjeuner reste simple mais efficace, un bon plat de riz à la sardine. Le temps de me préparer, je regarde les prévisions qui ne cessent de changer depuis le début de semaine, pour le moment pas de changement, le vent ne doit pas descendre avant le milieu d’après midi ce qui promet un début de course plutôt sport!

La traversée Continent – Corse

Dimanche 15 mai, 9h

Juju et Stéphane se lèvent alors que je suis en train de finir de m’habiller avec ma tenue de combat :

  • chaussons 3mm pour aller chercher les coquillages que j’appelle mes babouches,
  • Longjohn Saint-Jacques 3mm dans lequel je me trouve vraiment bien pour aller ramer lorsque les conditions ne sont pas très chaudes,
  • Lycra manche longue décathlon anti UV que j’enfile sous le Longjohn,
  • Camelback d’eau de 1,5 litres,
  • Casquette,
  • Tour de coup,
  • Lunettes de soleil,
  • Stick écran total pour protéger mon visage du soleil.

J’annonce la couleur à Stéphane en lui disant que si les conditions de vent restent les mêmes dans 4h on risque de bâcher et rentrer !

Dimanche 15 mai, 10h

Après avoir fait le choix de prendre ma Irus 23” de large pour être plus à l’aise dans ce genre de conditions, je me lance en direction de la pointe Est de Porquerolles : les rochers des Deux Frères sont à environ à 2km, afin de m’échauffer et prendre mes repères avant d’affronter le chantier.

Me voilà lancé dans le vif du sujet, les rochers passés le plan d’eau change radicalement, une houle de travers, un vent 3/4 face de 15 noeuds, une vraie partie de plaisir qui s’annonce. On prend le cap de l’île Port-Cros qui se trouve à une dizaine de kilomètre de Porquerolles, ce sera mon premier objectif de la journée.
Je demande au bateau de prendre les devant pour essayer de me casser ce terrain de jeu miné par le vent et la houle. Ma vitesse est comparable à celle d’un escargot qui essaie de passer tant bien que mal, sans trop brûler de cartouches, sur une succession de bosses, variant ainsi ma progression entre 4 et 7 km/h.
J’adapte ma façon de ramer avec un travail de souplesse au niveau des jambes, pour enrouler au maximum, et éviter de trop taper sur l’eau. Même en essayant d’optimiser la gestuelle je sens que je vais laisser un peu d’énergie et que cela me coûtera pour la suite… Si il y a suite !

L’île Port Cros est atteinte, nous somme sous le vent, un moment de répit durant lequel on rase les falaises sur un peu plus de 2,5 km pour avoir un plan d’eau beaucoup plus propre. J’apprécie quand ça ne bouge plus trop et je pense déjà à la suite.
Est ce qu’une fois sortie de la protection de Port Cros les conditions vont être aussi dures qu’au début ? Et si oui, durant combien de temps vais-je encore pouvoir tenir le rythme ?

Dimanche 15 mai, 13h

Premier ravitaillement, nous venons de nous éloigner de l’île Port-Cros depuis 1h. Je m’approche du bateau en restant sur ma planche, on fait un échange de Camelback et nous faisons le point. Pour le moment, pas de fatigue particulière, je peux continuer comme ça avec une houle toujours présente, mais qui a bien diminué, et un vent qui faiblit. Les prévisions semblent être bonnes et les différentes informations que j’ai pu avoir la veille via Clément Salzes et Olivier Drut confirment les faits. La tendance au calme devrait s’installer dans l’après midi.
Nous décidons de refaire un point dans 3h pour confirmer.

Je progresse, les éléments deviennent de plus en plus cléments avec moi, la vitesse remonte un peu pour s’approcher des 7km/h de moyenne. Pas bien rapide mais ça fait du bien au moral de sentir ma planche enfin glisser et de laisser moins de jus à chaque coup de rame.
Le paysage se transforme en s’éloignant de la côte, le chantier laisse place à une mer beaucoup plus lisse jusqu’à devenir un miroir où quelques rides apparaissent avec les quelques petite masses d’air qui viennent l’effleurer. On se retrouve très vite dans une ambiance que j’apprécie et qui me redonne de l’envie pour poursuivre dans la traversée.

Dimanche 15 mai, 16h, deuxième ravitaillement après 6h de rame

Les feux sont au vert, le moral est là, la forme aussi et l’envie encore plus ! On peut poursuivre sur ce rythme avec des ravitaillements toutes les 3h qui seront une routine : changement de Camelback, un Beautysané vanille et on repart.
Déjà 40 kms parcourus et nous ne voyons pratiquement plus la côte du continent. Nous rentrons progressivement dans la partie de la traversée que l’on vient chercher, être seul face à soi-même au milieu de rien, noyé dans cette ambiance d’infini avec comme seul objectif d’aller de l’autre côté.
La machine est rodée, la fréquence de rame reste entre 40 et 45 coups à la minute, je reste concentré sur ma posture et les phases de relâchement musculaire sur les retours de pagaie, j’essaie de changer de temps en temps de technique et de fréquences de rame pour varier la sollicitation des différents groupes musculaires, et d’être à l’écoute de mon corps, c’est aussi l’occasion de penser à autres chose, la famille, les amis, le pourquoi de ce défi, le temps passé pour être prêt pour ça, tout est bon à prendre pour sortir de la monotonie et passer le temps.

Dimanche 15 mai, 19h troisième ravitaillement

Le soleil est derrière moi, les conditions sont optimales, le trait d’horizon est difficilement distinguable entre l’effet miroir de l’eau et un ciel plutôt bleu gris. Des conditions parfaites en temps normal sur un lac où il n’y pas de mouvement d’eau mais cela fait réellement une différence avec cette mer qui entretien toujours un mouvement de houle.

Je demande pour le prochain ravitaillement de me préparer ma lampe afin d’être vu durant la navigation de nuit et de me préparer une petite soupe thaï Beautysané légèrement chaude pour changer de la vanille banane.

Depuis que nous avons laissé l’île de Port-Cros je continue à prendre les devants par rapport au bateau en me plaçant légèrement sur le côté, entre 50 et 200 mètres devant, pour avoir un oeil sur lui sans pour autant qu’il ne gène ma progression tout en gardant le cap de la Corse.
La sensation de solitude s’accroît de plus en plus avec l’intensité de la lumière du soleil qui diminue, une légère brume de chaleur prend place, on se retrouve dans une ambiance plutôt laiteuse ou les repères visuels diminuent pour laisser les autres sens prendre le dessus et notamment au niveau proprioceptifs. Le relâchement musculaire est moins facile et le corps se met en alerte pour anticiper tous mouvements d’eau afin d’éviter la chute.
Alors que la nuit commence à s’imposer, je crois apercevoir des mouvements d’eau à une 50 m devant moi, puis l’apparition d’ailerons que je distingue de mon côté toujours à une cinquantaine de mètres. N’arrivant pas bien à distinguer les visiteurs, je me rapproche du voilier en signalant la présence de quelque chose derrière moi… Même si je savais que je ne risquais rien on ne peut s’empêcher de penser à autre chose, mais ce n’était que deux dauphins curieux qui me rendent visite.


Il me tarde le prochain ravitaillement afin de mettre en place la lumière pour être plus visible en cas de chute ou d’inattention de mes anges gardiens, car sans allume feu, sans GPS et ni lumière, difficile en cas de souci de me retrouver dans cette immensité.

Dimanche 15 mai, 22h, quatrième ravitaillement

Une petite soupe, un changement de Camelback, un tour de cou supplémentaire sur la tête pour contrer la fraicheur nocturne et mise en place de ma lampe utilisée sur la 11 City Tour sur l’avant de la planche, même si je sais que je n’en aurais pas forcément besoin puisque la lune et le ciel dégagés me donneront largement de visibilité nocturne, mais qui permet surtout à mes anges gardiens de ne pas me perdre.
Les sensations sont toujours bonnes, je me dis que j’ai déjà fait l’équivalent d’un Vassivière version 10h en kilomètres… Je suppose mais je n’en sais strictement rien, mon GPS m’a lâché au bout de 12h de rame car j’avais laissé la lumière dessus au petit matin. Mais j’essaie d’occuper mon esprit comme je peux en faisant des comparaisons qui ne sont pas très cohérentes. À ce moment je me dis que j’ai déjà fait une DI et qu’il m’en reste encore deux pour finir cette traversée… On s’occupe, on s’occupe et le temps passe mais pas toujours aussi vite que l’on aimerait.

On pense aux amis et à la famille :
“à ma chérie qui me laisse partir alors qu’elle avait prévu une sortie 4.21 et qu’elle se retrouve finalement à garder les filles et que la seule fois où je ne suis pas là Lilo, âgée de 18 mois se réveille plusieurs fois dans la nuit alors qu’elle ne le fait jamais.
Il devait m’accompagner mais finalement il n’a pas pu tant pis pour lui car il rate encore une belle connerie de plus que Luïs n’a pas organisé, je pense à vous que je ne connais pas mais qui me permettent de réaliser cette traversée… Et oui car je n’arrive toujours pas à ouvrir le fichier des personnes que Philippe m’en envoyé, car je suis une bille en informatique, ce sera finalement ma chérie qui me l’ouvrira via son ordinateur, je pense à vous les mineurs en plaçant une mine par ici une mine par là pour les tandems… Je pense à toi mon binôme Olivier qui aurait sûrement apprécié ces conditions pétole comme on les aime… Je pense à toi Clément pour ton aide précieuse au niveau de la météo auxquelles je ne croyais pas vraiment et que j’espère jusqu’à la fin…je pense à Mickaël Blanchard pour le prêt du tracker que je n’ai pas avec moi.. encore à cause de moi car je l’ai prévenu trop tard et du coup plus de disponibilité. Je pense à ma maman, mon frère, mon père, qui ne savent même pas que je suis là car je ne les ai pas prévenus pour faire cette connerie… je pense à Thierry qui aurait pu faire de belles images pour vous les partager mais elles seront dans ma tête… je pense à Roro qui pour la première fois ne sera pas de la partie car en week-end amoureux, il me fait des infidélités ! Je pense à Greg, mon second ami d’enfance, qui serait en train de me dire rame aussi fort que t’es con, tu aurais sûrement apprécié ces petits moments de partage avec Juju…j’en rate pleins d’autres mais mon esprit n’arrive pas à fixer mes idées”

Nuit de dimanche 15 à lundi 16 mai

La nuit se passe bien, pas un bruit si ce n’est le ronronnement en arrière plan du voilier qui avance au moteur à petite vitesse pour me suivre. On aperçoit de temps en temps quelques lumières de bateaux au large mais le calme plat règne et l’ambiance est mystérieuse, la lune nous guide à travers une légère brume ne rendant pas visible les étoiles.

Une mer glassy qui, en temps normal sur un lac serait un plan d’eau facile, mais qui est pour le coup moins évident que je l’aurais cru avec ce petit roulis que l’on ne distingue pratiquement pas avec cette visibilité médiocre rendant mon déplacement tâtonnant. Difficile d’être relâché comme je le souhaite au niveau des jambes.

Lundi 16 mai, 4h du matin

18h de rame viennent de passer, toujours pas de coups de bambou et il est 4h du matin.
Il arrive fréquemment vers ces heures là que l’horloge biologique vous rappelle à l’ordre pour vous dire d’aller vous coucher et cela se traduit souvent par un gros coup de mou. Rien, c’est bizarre, est-ce que le café mélangé dans le coca me garde éveillé ou est ce l’appréhension de tomber dans l’eau ? Un passage de dauphins durant la nuit est toujours agréable mais pas très rassurant. Il ne manque plus que la petite cloche en arrière fond comme dans “Les dents de la mer”, l’esprit nous joue des tours ! Mais non même pas peur ! Bon forcément, il a bien fallu que cela arrive… J’entends le bateau qui fait un bruit de roulis et j’aperçois des ondulations venant de 3/4 arrière. Alors non ce n’était par un requin, ni une baleine, même si j’aurais bien aimé, mais sûrement des ondulations générées par un gros bateau qui ont eu raison de moi. Un bain, ça remet les idées en place, mais ce sera le seul de la traversée. Toujours agréable de se baigner par surprise …

Je repars prudemment, la visibilité devient de moins en moins bonne avec une lune non seulement qui tombe mais qui se trouve être en éclipse totale vers 5h30. On distingue difficilement la mer de l’horizon, le lever de jour ne devrait pas tarder.

Les premières lueurs du jour font disparaître les quelques étoiles encore visibles à travers cette ambiance laiteuse.
La nuit vient de passer et laisse place à l’un de mes plus beaux lever de soleil, les photos sont bien plus explicites. Juste magique !

Lundi 16 mai, 7h du matin

Le spectacle me donne des ailes surtout quand j’aperçois une masse noire à l’horizon : l’île de beauté qui sort de l’eau ! Ça y est le plus dur est fait je me vois déjà en train de boire une mousse et poser mes fesses sur un fauteuil en terrasse !

Je rame bon train, en direction de ce spectacle que nous donne dame nature, de la joie et de l’énergie à revendre, je me ravitaille toujours toutes les 3h mais je m’aperçois finalement que je rends mon Camelback pas totalement fini… C’est un moment clef de la traversée où tu penses en avoir fini… Mais non mon gars… C’est que le début de l’enfer au paradis !

Je me remets en question, comment tu peux être arrivé ? Tu viens de ramer 24h à une moyenne d’environ 6-7km/h. Je suis vraiment une quiche et nul en calcul mental, le manque de lucidité lié à la fatigue me fait perdre le bon sens. Tu as au moins 210km de traversée si ton cap est correct sans compter les paramètres de vent, de houle et de courant Ligure donc… Pas besoin de réfléchir, tu vas en chier encore pour 10 heures !

La troisième dimension commence

Cette île qui paraissait si près aux premières lueurs du soleil, plus je rame et plus je m’aperçois quelle est loin, je n’arrive pas à distinguer quoi que ce soit de la côte et encore moins à apprécier les distances. C’est horrible et je sais que ce n’est que le début du calvaire.

Le soleil se lève, la température aussi, le plan d’eau digne du lac du Lockness sous les tropiques donne l’effet d’un miroir et accroit l’agressivité du soleil, je vais cramer sur l’eau. J’avance comme je peux, mes cuisses sont de plus en plus dures, mes genoux… mes points faibles… commencent toujours par me faire mal au début pour ensuite donner l’impression d’avoir des aiguilles qui me rentrent dedans et ça finit toujours pareil, grippés verrouillés comme de vieilles charnières rouillées. Je prends sur moi, j’arrive à gérer plus ou moins mes douleurs à changeant ma façon de ramer. Je n’arrive même plus à apprécier le spectacle qui défile devant moi à la vitesse d’un escargot. Durant ces longues heures de douleurs et de fatigue nous croisons je ne sais combien de poissons lune qui paradent devant nous, dont un qui manque presque de me faire tomber sur des nuées de petites velleles que je prenais pour des méduses posées à la surface de l’eau telles des pâquerettes dans un champs. Un champs de mines prêt à m’accueillir oui !
Un Calvaire je vous dis !

Le coup de mou

Et ce qui arriva, arriva… plus rien, même pas un peu de jus, je rame en mode caresse l’eau et surtout essaye de ne pas tomber. Je fais signe au bateau, je m’assois sur la planche et j’attends. Je suis à point, chiffon carpette! Bon les gars ça va être très long ! Stephane, on est à combien encore de Calvi ?
20 miles, me répond il, presque rien !
Il se moque de moi, non seulement il me dit 20 miles comme si je maîtrisais les miles et il me dit presque rien.. J’essaie de calculer à peu près, 6h de rame quand même !
La pause s’impose, je n’ai pratiquement rien bu du Camelback depuis le dernier ravitaillement, il faut que je me réhydrate comme il faut avant de repartir. Je demande un torchon que je trempe dans l’eau ainsi que la casquette pour baisser la température et aussi pour me protéger du soleil car ça va cogner dur pour les 6h qui restent, je descends les bretelles du Longjohn.

Me voilà reparti sur un rythme de petit vieux pour relancer la machine tout doucement. Je ne pense plus à rien, je regarde devant moi en direction de cette maudite île soi-disant de beauté, je vois le cap que je dois tenir, je rumine encore et encore… allez c’est bon, j’arrête mes connerie, je vois la Corse, on peut dire que j’ai fini non ?

Lundi 16 mai, 18h : l’arrivée tant espérée à Calvi

Je reprends tout doucement un peu d’énergie, j’aperçois le phare de Calvi, une légère brise de face me rafraîchi le visage, on n’est pas loin.
Julien me rejoint sur l’eau avec la deuxième 3 Bay pour m’accompagner sur les derniers kilomètres avant d’arriver au phare, durant plus d’une heure, merci l’ami !
Stéphane arrive à notre hauteur.
Allez Messieurs suivez moi, je vous donne la direction pour rentrer dans la baie ! Julien tombe, je continue mon chemin, le vent bascule et j’essaie de m’abriter du vent en me rapprochant de la falaise où culmine le phare.
Finalement, Julien remonte sur le bateau car le vent est trop fort pour pouvoir rentrer dans la baie.

Je m’aperçois que la traversée de la baie, entre le phare et la citadelle, va se transformer en un vrai carnage.
En 10 minutes le plan d’eau se transforme avec la bascule du vent qui a forci, et s’accélère avec un effet venturi dans la petite baie, un vent 3/4 arrière mais surtout un clapot bien latéral.
Je prends un coup de sang après mettre pris le bec avec Stéphane qui me dit de tirer droit vers la citadelle en m’expliquant que le vent est porteur mais il a omis que je ne suis pas en bateau et qu’après 35h de rame mes jambes ne sont pas prêtes à encaisser sa trajectoire. Je n’aurai jamais cru que la fin de parcours se terminerait comme ça ! Je puise dans mes dernières ressources pour tirer ce bord en résistant aux éléments, un vrai combat contre moi-même et je tiens comme je peux pour ne pas craquer aussi près du but.
Je manque de tomber à l’eau plusieurs fois, mes cuisses sont en feu, je ne sens plus mes genoux, la tête me tourne à ce moment-là, mais j’arrive à atteindre enfin le contrebas de la citadelle qui m’abrite radicalement de ce calvaire.

Je suis vidé, il ne me reste plus rien, un vrai légume, une loque et je n’ai qu’une seule envie : me poser après une bonne douche autour d’une mousse bien méritée !

Voilà un vieux rêve de bouclé ! Après les 200 km non-stop du Canal du Midi en 2014 , la première DI en 2015, les 207 km en 23h du record de distance de 2018, je viens de réaliser la traversée du Continent à la Corse, en solo, en stand-up paddle ! J’ai bouclé cette aventure qui me trottait dans la tête de puis quelques année ! Quelle sera ma prochaine aventure ?

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